Ællana se baladait le long de la rivière des rêves. De l'eau parme s'échappaient des effluves sucrées et subtiles, arômes envoûtants qui lui évoquaient l'amour. Elle s'approcha lentement de l'onde et s'accroupit. Le sable chaud entre ses doigts de pieds, la brise tiède qui jouait avec ses cheveux... Rien de tout cela ne l'émouvait. Chaque geste qu'elle effectuait lui paraissait mécanique, chaque action inutile. Son âme était comme figée dans sa propre enveloppe corporelle, prisonnière tel un oiseau en cage qui depuis longtemps aurait cessé de combattre.
À la surface de l'eau, une jeune fille lui renvoya un regard perdu. Mince, presque maigre, elle possédait deux grands yeux gris qui semblaient énormes tant ses joues étaient creuses et ses pommettes saillantes. Une longue crinière brune emmêlée se déversait jusqu'à ses hanches, noirceur qui reflétait son âme en cet instant. Les deux coins de sa bouche ourlé s'affaissaient légèrement, peut-être parce le sourire qu'elles esquissaient autrefois n'était plus.
Elle plongea la tête dans ses mains, désespérée. Depuis quand était-elle esclave des hommes ? Depuis quand était-elle esclave de ses sentiments ?

La réponse surgit dans son esprit, fugace. Depuis qu'elle était tombée amoureuse d'Akiro. Six griffes jaillirent entre les jointures de ses doigts, devançant ses pensées. Elle aurait pu le tuer s'il s'était trouvé en face d'elle. Elle le haïssait. Elle le haïssait. Elle le haïssait. Son dos se secoua de sanglots muets à peine retenus.
Elle se remémorait parfaitement l'engourdissement qui l'avait envahi lorsqu'elle l'avait aperçu avec cette fille. Il ne lui avait pas donné de nouvelles depuis des mois, suivant son propre chemin qui bifurquait de la route qu'ils avaient bâti ensemble. Celle de l'amour. Et puis, un jour... À l'endroit exact où elle l'avait rencontré... Lui.
Elle avait étouffé un cri de joie, senti son cœur bondir dans sa poitrine. Avant de discerner à ses côtés cette... Cette... Blondasse imbécile et aguicheuse, qui batifolait autour de lui. Qui lui tournait autour ! Elle murmura une horde de jurons remarquables plus gros les uns que les autres à son adresse, se défoulant dans l'allégresse qui lui procuraient ces mots.
Epuisée, elle se laissa basculer en arrière. Une douleur vive se déversa sous crâne, feu ardent dévorant de chair et de souffrance. Elle haussa légèrement les sourcils, porta les doigts à sa tête. Le pourpre qui les maculait coula jusqu'à son coude. Elle avait dû heurter une pierre en tombant.
" Etrange comme le sang est rouge, songea-t-elle. C'est presque marrant." La situation lui était drôle, burlesque, tandis qu'elle aurait dû l'inquiéter en temps normal.

À peine le rire s'était-il achevé dans sa poitrine qu'elle sombra dans le noir.
Le noir de l'inconscience.
Le noir de la douleur.
Le noir des évanouis.

Et à ses lèvres pendait un filet de sang qui gouttait incessamment sur le sable doré.

( hum, désolée, c'est un peu macabre >< Mais mon personnage était un peu rouillé depuis le temps que je ne l'avais utilisé; j'avais besoin de trouver un bon sujet, et la douleur m'avait parut plutôt bonne - -' Tout à cause de l'amour... Bref, à ton tour ! )